Le transhumanisme ou la fin de l’humanité

   Le transhumanisme est un courant philosophique contemporain stipulant que la future évolution de l’humanité sera basé sur les connaissances technologiques pour améliorer l’être humain. La finalité du transhumanisme est de permettre à l’homme de devenir immortelle grâce à la technologie. Même si la recherche en technologie cybernétique peut permettre d’améliorer l’humain dans un futur proche, le transhumanisme ne se limite pas qu’à cela. Il peut également s’appuyer sur les découvertes en biologie pour permettre dans un futur proche de modifier notre propre génome pour prévenir les maladies et accroître notre longévité. La peur de la mort et la quête d’une meilleure vie a toujours été la motivation première de l’être humain dans sa recherche technologique. Il est fort probable que l’humanité est sorti de « mère-nature » et à commencer à l’exploiter pour faire face à la peur de sa propre disparition. Ainsi parmi toutes les espèces d’hominidés apparu au cours de l’évolution, seul l’homo sapiens a réussi à survivre grâce peut-être aux connaissances technologiques de nos ancêtres.

  Même si l’évolution technologique a souvent conduit à une exploitation des individus par un bourgeois ou patron selon les critiques du capitalisme formulés par les marxistes, il est difficile de savoir si cette évolution a plus eu de bon côtés pour l’émergence des civilisations humaines que de mauvais côtés. En effet, bien qu’on puisse critiquer l’accumulation de richesse matérielle comme vecteur de puissance au sein de nos sociétés et également comme étant devenu le sens de nos vies consuméristes actuelles voire « spirituelles », l’acceptation de l’évolution technologique est certainement plus due au fait d’avoir repoussé la mortalité infantile et combattu les maladies au sein de l’espèce humaine. Nous pouvons renier cette évolution en partant du principe que cela nous pousse qu’à être des consommateurs impulsifs matérialistes dans notre monde moderne, mais je pense sincèrement que peu d’entre nous est prêt à retourner vivre comme des ermites au sein de la nature. Seul un retour à la campagne semble le plus envisageable aux yeux des personnes les plus critiques envers les sociétés matérialistes.

Comme déjà dit auparavant, je pense que l’apparition de la technologie (avec l’apparition de l’outil) et son évolution s’explique avant tout comme un mécanisme de survie de notre espèce face aux divers problèmes que nos ancêtres ont affrontés par le passé. La conscience de notre mortalité est la motivation première de notre recherche de connaissance sur le monde, puis de son exploitation via la technologie. Nos ancêtres préhistoriques enterraient leurs morts, ce qui semble être unique au sein du monde animal, à l’opposé de l’utilisation d’outils que l’on retrouve auprès de nos cousins primates et de certaines espèces d’oiseaux. Ainsi, ce qui nous rend unique en tant qu’espèce animal n’est peut-être pas notre conscience, ni notre capacité à modifier notre environnement, mais peut-être bien la peur de la mort. L’idée de la mort et de ce qu’il peut y avoir après nous semble affreuse et injuste. Pourquoi vivre si nous devons mourir ? Pourquoi nous donner si c’est pour nous reprendre ?

Le transhumanisme nous promet la disparition de la mort grâce à l’évolution technologique. Jolie perspective d’avenir. Ainsi, nous deviendrons immortels. De plus, nous pourrons bénéficier d’une vision de la réalité augmentée. Si vous voulez avoir un petit aperçu de ce monde futuriste, je vous invite à découvrir le manga « Ghost in the shell » qui offre en prime un questionnement sur notre nature humaine. Ainsi, il n’y aurait que des bénéfices à supporter la démarche transhumaniste. Pourtant, à mes yeux, dès que le transhumanisme nous offrira l’immortalité, ce sera la fin de l’humanité.

La saga des « chroniques de vampires » d’Anne Rice offre une réflexion intéressante sur la mort. Cette saga met en scène des vampires (dont le livre le plus connu est « Entretien avec un vampire » notamment grâce à son adaptation cinématographique). Pourtant, à la différence de nombreux romans de vampires, les vampires d’Anne Rice n’ont pas d’ennemi mortel (en dehors du soleil). Pas de Van Helsing, de chasseurs de vampire ou d’autres créatures surnaturelles les pourchassant. Ainsi rien ne peux les empêcher de vivre leurs vies immortelles. Pourtant, de nombreux vampires d’Anne Rice meurent au cours de sa chronique. Ce qui m’a le plus frappé est que la plupart d’entre eux se suicident car ils ne supportent plus leurs vies vampiriques. On pourrait croire à priori qu’ils ne supportent plus leurs vies de vampires car ils sont rongés par leur culpabilité de devoir tuer des humains pour se nourrir. Ce n’est pas le cas. Au contraire, la plupart des vampires enfantés se satisfont, après un temps d’adaptation, à leur nouveau mode de vie. Alors, pourquoi se suicident-ils ? Selon ma compréhension de l’œuvre d’Anne Rice, ils se suicident car ils ne comprennent plus le monde dans lequel ils vivent. Les humains qui les entourent continue d’évoluer, de chercher à repousser les limites de leurs civilisations pour repousser leur peur de la mortalité. Ainsi chaque génération humaine proposent un courant de pensées différent ou intégrant celui des générations passées, tous ces courants de pensée essayant de trouver une solution d’évolution de l’humanité. Ce n’est pas le cas des vampires. Ceux-ci ne sont plus que le vestige des humains d’une époque. Finalement, ils n’arrivent plus à trouver leur place dans le monde des hommes. Pour faire face à ce changement, souvent l’un d’eux décide de transformer un humain en vampire pour que celui-ci lui explique son époque. A l’opposé, d’autres vampires vont simplement s’endormir pendant plusieurs siècles. Et pour finir, certains sombrent carrément dans une forme de décadence basé sur des rituelles, singeant une pseudo-civilisation humaine. Ainsi chaque vampire décrit dans les livres d’Anne Rice est l’incarnation d’une époque : Lestat est le libertin, Louis le romantique, Marius le romain antique, Armand le vénitien de la Renaissance. Ne faisant plus parti du monde des humains, mais vivant quand même à leur contact, ils finissent par s’ennuyer de ce monde devenant petit-à-petit obscur à leurs yeux. En étant l’incarnation d’une époque, ils ont des difficultés à remettre en question leur vécu pour mieux comprendre la culture des générations humaines. Ils n’ont plus leur place dans le monde. D’ailleurs, les vampires qui s’endorment pendant des siècles finissent par ressembler à des statues, insensibles aux tourments des civilisations humaines.

Photo d’Anne Rice  (source: https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne_Rice)

   Il est fort probable que la même destinée attend les transhumains. Une fois leur mortalité disparut, soit ils seront confrontés aux générations suivantes ayant une vision du monde différente et conduisant à des conflits, soit ils devront sacrifier les générations suivantes pour jouir d’une décadence qui les extraira d’une torpeur ennuyeuse. Ainsi, dans une vision future purement hédoniste et matérialiste, ils ne définiront plus le sens de la vie à travers la peur de la mortalité. Le « carpe diem » ne sera plus qu’une ode aux plaisirs « consuméristes »  allant toujours de plus en plus loin. Et finalement, probablement ils retrouveront le goût de la vie en s’interrogeant sur le mystère de la mort, finiront par la vénérer et se l’offriront. Pourtant, il s’agira bien de la fin de l’humanité, car ils auront déjà sacrifiés les générations suivantes, leurs propres enfants, depuis suffisamment longtemps pour qu’ils n’aient plus de descendance à leur succéder.

Il peut s’agit d’une vision pessimiste d’un futur transhumaniste me direz vous. Pourtant, si on applique la logique de ce courant de pensée au bout, il s’agit de la réalité du transhumanisme : un courant progressiste morbide qui ne s’interroge pas sur la place de l’humanité dans l’univers, mais la manière dont l’humanité doit exploiter au mieux son univers pour sa survie. Les perceptions augmentés ne deviennent plus que des gadgets pour combattre le futur ennui. Ainsi, il n’est que la suite logique du capitalisme libéral de notre monde actuel, d’où sa promotion à travers les fleurons technologiques de notre monde.

Honnêtement, je ne sais pas s’il y a une vie après la mort, je le saurai quand je mourrai et je ne pourrai vous écrire la réponse. Néanmoins, cette idée est intéressante puisqu’elle nous oblige à être humble vis-à-vis de notre propre mortalité, et dans le cas de la religion chrétienne, nous oblige à avoir un comportement respectueux envers nos contemporains pour prétendre au paradis (étant chrétien, catholique pour être plus précis, je ne me prononce pas sur la vision de la mort des autres religions). Cette idée est intéressante à retransmettre aux générations futures, non pas qu’elle soit peut-être vraie, mais qu’elles les obligent un minimum à s’interroger sur leurs comportements vis-à-vis de leurs contemporains. Ainsi, nous nous efforçons de leurs transmettre une culture de non-violence, d’humilité et de respect des autres. Cette culture est sortie de la sphère religieuse pour devenir politique, et a parfois été perverti. Mais, elle est née de l’interrogation de nos ancêtres face à la mort. Finalement, la clef de l’immortalité réside véritablement ici. En même temps que nous transmettons une partie de nos gènes à nos enfants, nous devons leur transmettre une partie de notre savoir et connaissance. Nous ne devons pas nous résumer qu’à un individu matériel constitué d’atomes. Une part de nous vivra à travers notre descendance, comme nos ancêtres continuent à vivre à travers nous par l’héritage intellectuel qu’ils nous ont transmis au cours du temps. Renier notre héritage revient à renier notre humanité. De même, refuser d’être l’incarnation de notre époque revient à refuser de transmettre les idées de cette époque aux générations suivantes qui pourront les critiquer et les sélectionner pour améliorer leur propre époque. Une fois ce rôle fait, nous devons disparaître pour laisser la place aux futures générations qui sauront s’adapter aux changements de leurs époques et poursuivre notre cheminement spirituel. Je crains juste la mort car j’ai peur de ne pas être là pour aider mes jeunes enfants, mais une fois leur maturité atteinte, ce sera avec plaisirs que je laisserai ce monde entre leurs mains car je sais qu’ils continueront à transmettre ma vision du monde à leurs descendance. Je ne veux pas devenir immortel car je souffrirai de prendre leurs places dans ce monde. Et vous, qu’en pensez-vous ? Pour le moment, vous n’avez pas le choix, mais dans un futur proche, qui sait ?

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