Il y a plusieurs mois, j’avais écris un article donnant une hypothèse sur l’omniprésence du modèle patriarcal dans la plupart des civilisations par rapport à d’autres modèles. J’avais expliqué comment ce modèle a pu s’imposer de lui-même sans avoir recours à une quelconque domination des individus mâles humains sur les individus femelles humaines, allant ainsi à l’opposé des explications formulées par des féministes. D’ailleurs, j’ai eu le plaisir d’avoir un commentaire pour bien expliquer qu’il s’agissait que de mon opinion sur la lutte des féministes contre le patriarcat et non une remise en cause de tous les combats féministes. J’avais écrit cet article suite à un article lu dans Pour la science de novembre 2014 formulant une hypothèse pour expliquer la surreprésentation des familles monogames chez les humains par rapport à d’autres modèles de familles présent chez d’autres primates. Ayant retrouvé depuis l’article en question, je me permets juste de refaire un résumé de cet article.
A aucun moment, l’article ne parle de modèle de société patriarcale ou matriarcale, mais j’avais réutilisé leur méthode d’analyse pour l’appliquer à l’idée d’une confrontation ancestrale entre des tribus (civilisations?) humaines dans le passé. Il s’agit d’un article d’anthropologie sociales écrit par Blake Edgar et intitulé « La monogamie un atout pour notre espèce ». Voici les 4 points essentiels de l’article :
– L’homme est en général monogame. Or moins de 10 % des espèces de mammifères le sont.
– L’époque à laquelle a émergé la monogamie chez nos ancêtres reste indéterminée.
– L’espacement territorial entre femelles, le soin paternel ou les infanticides sont des explications possibles de l’émergence de la monogamie.
– La monogamie et le développement de liens sociaux ont favorisé l’évolution des humains.
Deux autres points intéressants expliqués dans l’article est que bien que 80 % des sociétés humaines actuelles autorisent la polygamie (polygynie pour être exacte dans l’article), 60 à 80 % des foyers dans ces sociétés sont cependant monogames de fait. Donc, ce fait peut appuyer l’idée que lorsque des tribus polygames et monogames se retrouvent sur le même territoire, la tribu monogame va finalement s’imposer, et que la polygamie n’est peut-être qu’un ersatz de la culture de la tribu absorbée.
Selon l’article, il y a trois hypothèses pouvant expliquer l’émergence de la monogamie chez nos ancêtres. La première est basée sur l’espacement territorial des femelles. Celles-ci avaient besoin de ressources alimentaires plus riche mais plus rare. Elles ont donc occupés de plus vastes territoires pour avoir davantage de nourritures. Pour les mâles, il devenait plus difficile d’entretenir plusieurs femelles, d’en trouver des nouvelles et de les isoler des autres mâles. Par conséquent, avoir une seule femelle aurait facilité la vie du mâle et lui aurait permit d’être sûr que les petits de sa partenaire soit bien les siens. Mais cette hypothèse s’oppose au fait que les êtres humains sont des êtres sociaux et qu’il est difficile, dans ces conditions, d’expliquer l’existence de femelles solitaires.
La seconde hypothèse : les infanticides. Si un rival mâle défiait et gagnait face à un autre mâle, il pouvait être amené à tuer la progéniture du perdant (comme par exemple chez les lions). Pour éviter de perdre sa progéniture, la femelle pouvait choisir un mâle capable de la défendre elle et les petits. Mais si le mâle avait plusieurs femelles, il devenait alors difficile de défendre toutes les progénitures. Par conséquent, la femelle avait plutôt intérêt à favoriser les mâles monogames. Des simulations associés avec des analyses statistiques ont prouvé que le risque d’infanticide favorise la monogamie. Toutefois, bien que l’infanticide a été observé chez plus de 50 espèces de primates, presque toutes ne sont pas monogames. Donc apparemment, l’hypothèse de l’infanticide n’est pas la plus pertinente pour expliquer la monogamie.
La dernière hypothèse concernent l’implication du mâle dans son devoir de père. Si le mâle aide la femelle à se nourrir, celle-ci dépense juste de l’énergie à travers l’allaitement, ce qui augmente les chances de survie du petit. De même, si le mâle porte le petit, une partie de son énergie va servir à porter l’enfant ce qui permettra à la mère de conserver une partie de son énergie pour d’autres tâches. Par conséquent, si le mâle joue son rôle de père au sein de la famille, la femelle peut recouvrer plus rapidement toute son énergie, et donc se reproduire plus tôt dans la saison, ce qui peut être un avantage d’un point de vu évolutif par rapport à d’autres groupes. Ainsi l’entraide sociale au sein de la famille devient un élément clef de la survie des petits, ce qui est favorisé par la monogamie. L’entraide sociale peut également dépasser le cercle familial, comme c’est le cas chez les humains.
Bien que la troisième hypothèse semble la plus plausible, il n’est pour le moment pas sûr que les soins paternels soient réellement la cause de la monogamie, mais pourrait bien être une conséquence de celle-ci. Une nouvelle explication part du principe que la monogamie est peut-être apparu en plusieurs étapes. La première étape aurait lieu chez l’ancêtre commun que les humains partagent avec les bonobos et les chimpanzés. Ceux-ci pratiquent la promiscuité sexuelle au sein de communauté multimâle-multifemelle. Il est possible que notre ancêtre commun avait la même particularité et que celle-ci ait été conservée chez les chimpanzés et bonobos, mais ait évoluée en monogamie chez les humains. L’une des hypothèses est qu’une forme de polygamie (polygynie) s’est développée chez les ancêtres des humains. Cependant, avec l’évolution de nos ancêtres (augmentation de la taille du cerveau, bipédie, etc.), la consommation d’énergie a due augmenter suite à cette évolution, conduisant à une diminution de nombre de femelles (et de leurs progénitures) dont pouvait s’occuper les mâles polygynes. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette diminution. Tout d’abord, la difficulté du mâle pour nourrir la femelle et protéger les petits, ce qui a conduit les femelles à choisir les mâles les moins polygynes ou monogames. La coopération des mâles entre eux pour certains activités (chasse, alliances intra-groupes lors de conflits) les a obligé à réduire la compétition sexuelle entre eux pour favoriser les activités permettant la survie du groupe. Le troisième facteur est l’invention des armes qui permettait aux mâles moins fort de pouvoir blesser ou tuer plus facilement des rivaux ; par conséquent une répartition égale des femelles entre les mâles a du permettre de limiter les conflits.
Ainsi, les scientifiques ont déjà fait des études pour essayer de comprendre comment la monogamie est apparu chez l’homme. Parmi les diverses théories proposées, on s’aperçoit qu’aussi bien les mâles que les femelles ont pu choisir de favoriser un modèle monogame en déterminant un rôle du mâle au sein de la famille. Donc même si à aucun moment, on ne parle pas de modèle de sociétés matriarcales ou patriarcales, pensez-vous réellement que mon précédent article sur ces sujets vous semble toujours aberrant ? En effet, si la monogamie s’est imposée naturellement chez nos ancêtres et a été conservée au cours de l’ évolution, alors le modèle patriarcal a très bien pu lui-aussi s’imposer naturellement pour trouver des solutions pragmatiques à des problèmes rencontrés au sein des sociétés primitives.